La période qui précède l’occupation des lieux par la famille d’Urfé est très mal connue. Les terres de la Bâtie relevaient du prieuré de Champdieu, fondation de l’abbaye auvergnate de Manglieu. L’étude archéologique du bâti réalisée en 1998 a montré que les parties les plus anciennes de la Bâtie concernent l’aile ouest actuelle avec des éléments datés du XIIIe siècle. Ce bâtiment primitif semble avoir été de forme rectangulaire et utilisé pour une activité agricole. De premiers aménagements de fortification sont entrepris probablement dès le début du XIVe siècle : vers 1340, les d'Urfé déclarent tenir en fief lige du comte de Forez, leur maison de la Bâtie. Or, les comtes de Forez avaient pris pour habitude d'exiger de leurs vassaux l'hommage lige - le type de serment de fidélité le plus étroit entre vassal et suzerain - pour chaque nouvel ouvrage fortifié.
On connaît mieux les aménagements effectués au XVe siècle, certainement par le père de Claude d’Urfé, Pierre II d’Urfé. Le bâtiment primitif est réaménagé pour devenir le corps de logis principal de la maison-forte. Elle accueille en rez-de-chaussée quatre salles : une salle d’apparat couverte de peintures murales (aujourd'hui inaccessible au public) et trois salles comportant des cheminées dont deux d’entre elles semblent avoir été des cuisines. Certaines portes possèdent des linteaux en accolade, typiques de l’architecture civile de la fin du XVe siècle. Les pièces du premier étage étaient desservies par deux tourelles contenant des escaliers à vis, conservées lors des réaménagements du XVIe siècle. L’escalier à vis nord desservait également un second étage aujourd’hui disparu qui correspond à l’ancien donjon (aujourd’hui arasé), ainsi que le premier niveau du châtelet aujourd’hui ruiné. Les communs étaient accolés au bâtiment résidentiel, en lieu et place du corps de logis principal actuel.
En définitive, au XVe siècle, la maison-forte de la Bâtie possède deux corps de bâtiments (sud et ouest) organisés autour d’une cour ceinte d’une clôture crénelée. Elle est défendue par un châtelet d’entrée, un donjon, deux tours et des douves peut-être déjà en eaux.
À partir des années 1540, Claude d’Urfé procède à une transformation complète de la maison-forte familiale pour en faire une demeure pouvant rivaliser avec les nouveautés architecturales qui fleurissent en Italie et en France. Claude d’Urfé semble s’être passé d’architecte de métier, ce qui en fait une œuvre très personnelle loin des traités d’architecture de la Renaissance. Les entorses aux grands principes architecturaux comme la régularité ou la symétrie sont très nombreuses.
Le corps de logis de la maison-forte est modernisé : Claude procède à un rhabillage de la double galerie de bois du XVe siècle par une double galerie à l’italienne à décors de grès. La galerie inférieure est percée d’arcs en plein-cintre supportés par des piliers cannelés. Elle est surmontée d’une loggia ornée de colonnes cannelées à chapiteaux corinthiens. On y accède actuellement par une rampe dite cavalière richement ornée, dont le seuil est gardé par une statue de sphinx.
Au rez-de-chaussée, trois salles comportent de vastes cheminées et semblent avoir été aménagées vraisemblablement dès le XVe siècle, puisque l’on retrouve les mêmes datations sur les poutraisons que pour la galerie inférieure. Au regard des aménagements dans l’âtre des cheminées de pierre, avec un four à pain et une pierre d’évier à proximité pour la deuxième salle, ces pièces semblent avoir servi de cuisines.
De probables communs au sud ont été restructurés pour devenir un corps de logis principal à deux étages. Il est construit essentiellement en pisé, matériau typique de la construction rurale forézienne. Le corps de logis possède une toiture à deux longs pans et deux croupes, couverte de lames d’ardoise de schiste. Elle est percée de cinq lucarnes à meneaux éclairant l’étage de combles. Pour le rez-de-chaussée, Claude d'Urfé a opté pour une distribution des espaces très originale : il a choisi d'installer un ensemble décoratif composé d'une chapelle et d'une grotte artificielle, qui occupe l'essentiel de l'espace disponible. Au delà de la richesse de sa décoration, la voûte de la chapelle est une prouesse architecturale : elle épouse les deux baies (nord et sud) qui ne sont pas alignées l'une avec l'autre. Aux angles du corps de logis principal, deux bastions irréguliers à vocation plutôt résidentielle ont également été aménagés.
À l’est, Claude d’Urfé fait construire une troisième aile considérée comme étant un hypothétique corps de garde, c'est-à-dire un corps de bâtiment servant de logement pour une garnison. Le corps de garde est surélevé en raison de l'aménagement d'un cellier en sous-sol.
Cette pièce comporte aujourd’hui un décor et un mobilier du XVIIe siècle, mais elle conserve certains éléments architecturaux mis en place par Claude d’Urfé dans la première moitié du XVIe siècle. On ne connaît pas la fonction initiale de cette pièce, aujourd’hui aménagée à la manière d’une chambre d’apparat depuis les années 1960.
Cette pièce est agrémentée de deux alcôves décorés d’une voûte nervurée à clefs pendantes, dont l’une d’elle semble avoir été un oratoire : la présence de niches dans l’alcôve de gauche semble indiquer un usage religieux. Les chambranles des portes menant au bastion et la fenêtre à meneaux sont également des éléments du XVIe siècle. Le XVIIe siècle se signale par le plafond à la française peint de grotesques et d’armoiries commandé par Charles-Emmanuel d’Urfé vers 1650, ainsi que par les lambris de demi-revêtement également décorés de grotesques et la cheminée.
Cette salle possède aujourd'hui un mobilier daté pour le plus ancien de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe siècle, notamment une paire de cassoni (coffres de mariage italiens) et une table à décors mythologiques. Des pièces de tapisserie de Felletin et d'Audenarde datées du XVIIe siècle habillent aujourd'hui les murs.
L’aménagement du « grand salon » date du XVIIIe siècle et du regroupement de deux pièces antérieures par le marquis de Simiane. Le plafond à solives triangulaires aux propriétés acoustiques laisse supposer que ce salon pouvait être un salon de musique ou une salle de réception. Les murs sont garnis d’un lambris de demi-revêtement et de moulures de stuc au-dessus des portes et de la cheminée de marbre rose.
Cette salle abrite aujourd'hui un ensemble de pièces de tapisserie pour l'essentiel du XVIIe siècle, ayant pour point commun de représenter des personnages et des scènes de l'Astrée, le célèbre roman d'Honoré d'Urfé. Ces tapisseries sont issues des manufactures d'Aubusson, de Felletin et d'Europe du Nord (probablement de Bruges). La salle abrite également l'une des premières éditions intégrales en cinq volumes de l'Astrée, datée de 1637.
La grotte artificielle a été commandée par Claude d’Urfé à la fin des années 1540 et dotée d’un décor spectaculaire remarquablement bien conservé. La grotte de la Bâtie est aujourd'hui la grotte artificielle Renaissance la plus ancienne encore conservée avec la majorité de ses décors d'origine en France. Elle est précédée chronologiquement par la grotte des Pins du château de Fontainebleau (réalisée à partir de 1543), l'un des premiers exemples français de cette mode italienne ayant malheureusement perdu une grande partie de son décor et son environnement d'origine.
Cette vision du monde est matérialisée par un art minutieux juxtaposant des matériaux d’origine minérale et animale de façon à réaliser des décors figuratifs ou architecturés. On observe ainsi des concrétions calcaires naturelles et de coquillages, du sable coloré, des galets de rivière et des pierres (basalte, granite, quartz entre autres) de provenance essentiellement locale ou régionale.
Du programme décoratif initial, sont aussi conservés de nombreux éléments figuratifs et sculptés comme une statue en ronde-bosse du dieu romain Vertumne attribuée à l’atelier du sculpteur d’origine florentine Giovanni da Montorsoli (1507-1563), une statue ruinée d’une naïade, des termes accompagnés de nymphes, d’un satyre sculpté en bas-relief. Le mur ouest est orné d’une représentation de Neptune et d’un oiseau en vol. Le mur est comporte deux panneaux représentant des allégories de l’été et de l’hiver.
La grotte s’ouvre sur la cour par une succession d’arcs en plein cintre clôturés par une grille en fer forgée imitant des grappes de raisin et des feuilles de vigne. Deux piliers cannelés surmontés de deux bustes à l’antique matérialisent l’ancien accès monumental par des portes sculptées depuis la cour d’honneur. Les portes du XVIe siècle n’existent aujourd’hui que sous la forme de fragments, remontés sur une porte néo-Renaissance du XIXe siècle.
La grotte artificielle s’ouvre sur la chapelle imaginée par Claude d’Urfé et construite entre 1548 et 1558. C’est un véritable condensé des arts de la Renaissance : peinture, marqueterie, ébénisterie, faïence émaillée, verrerie, stuc réalisés par des artistes français et italiens. Claude d’Urfé rappelle à nouveau par le décor de sa chapelle qu'il appartient à l'élite cultivée humaniste et qu'il est aussi un mécène par excellence.
La chapelle est voûtée de caissons en stuc, très proches par leurs formes et leur registre de la Sala Regia du palais apostolique du Vatican, mais aussi des plafonds de la Salle des Audiences et de la Salle des Lys du Palazzo Vecchio de Florence. Chaque caisson octogonal porte les deux symboles chers à Claude d’Urfé : son emblème (ou chiffre) qui représente un agneau sacrifié sur un autel en flammes comportant l’inscription VNI, ainsi que son monogramme composé des initiales de son prénom et de celui de son épouse Jeanne de Balsac.
Les murs étaient ornés de panneaux de boiseries, sculptés et marquetés par le franciscain d’origine bergamasque Fra Damiano Zambelli (vers 1490-1549) et le véronais Francesco Orlandini (vers 1499 - ap. 1547), aujourd’hui conservées au Metropolitan Museum of Art de New-York (États-Unis). Les boiseries étaient surmontées d’un ensemble de peintures illustrant des scènes de l’Ancien Testament (côté chapelle) et de deux autres scènes (côté oratoire) : l’Annonciation (évangile selon Saint-Luc) et L’Esprit planant au-dessus des eaux (livre de la Genèse, Ancien Testament). Ces peintures sont l’œuvre de l’artiste maniériste Girolamo Siciolante (1521-1575), actif à Rome pendant l'ambassade près le Saint-Siège de Claude d'Urfé.
Le sol était recouvert d’un pavement de carreaux de faïence émaillée réalisé par l’atelier du faïencier rouennais Masséot Abaquesne (vers 1500-1564). Le pavement avait été conçu comme un miroir de la voûte avec une disposition peinte en caissons et comportait les symboles de Claude d’Urfé. La marche d’autel avait aussi été réalisée par Masséot Abaquesne et se trouve aujourd’hui au musée du Louvre.
À l’issue de la vente des décors par M. Verdolin en 1874, seule la voûte stuquée à caissons est épargnée. Aujourd’hui, elle n’a pu retrouver qu’une partie de ses décors grâce à l’acquisition de quelques pièces du pavement original réalisé par Masséot Abaquesne et au dépôt des peintures de Girolamo Siciolante et de l’autel de marbre.